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La haine à ciel ouvert : l’extrême gauche célèbre la mort de Jean-Marie Le Pen

16/1/2025

Le mardi 7 janvier 2025, Jean-Marie Le Pen a rendu l’âme. Ennemi public numéro un de la gauche depuis la fin des années 1970, sa mort à l’âge de quatre-vingt-seize ans était donc attendue depuis plusieurs années par ses ennemis politiques. Le soir même, ceux-ci ont laissé éclater leur joie en organisant des manifestations de célébration animées de tirs de feux d’artifice et d’ouverture de champagne, mais aussi… d’appels à la mort des autres membres de la famille Le Pen et de Jordan Bardella ou encore en dégradant des permanences du parti à la flamme. Alors que Jean-Marie Le Pen n’a jamais dirigé le pays, ni même participé à aucun gouvernement, ces scènes de triomphe témoignent avant tout de la haine pour une figure de l’ennemi soigneusement entretenue par l’extrême gauche depuis les premiers succès électoraux du Front national et dont l’issue est la célébration de la mort de vieillesse d’un homme quatre-vingt-seize ans.

JEAN-MARIE LE PEN, L’ENNEMI ÉTERNEL DE L’EXTRÊME GAUCHE


Cofondateur du Front national en 1972 et président du parti jusqu’en 2011, Jean-Marie Le Pen s’est toujours trouvé opposé à la gauche et cela depuis sa jeunesse, comme il l’écrit dans le premier tome de ses mémoires (p.167) : « À vrai dire je ne me sentais proche de personne, je me sentais proche de moi. De droite. Anticommuniste. La gauche était un adversaire avec qui nous parlions, le communisme un ennemi irréconciliable. C’était quoi, la droite ? Ceux qui n’étaient pas de gauche, car la gauche tonitruait partout, tenait tous les secteurs d’opinion. »

Du point de vue de l’extrême gauche, Le Pen est celui qui, le premier, a critiqué l’immigration dans les grands médias et dénoncé les dangers de l’islamisme, tout en se faisant le défenseur des traditions françaises et en incarnant une certaine « France d’hier » dont la disparition est un des principaux combats des progressistes. Dès lors, l’extrême gauche a toujours vu en Jean-Marie Le Pen un raciste, un réactionnaire, un tortionnaire en Algérie. Elle voyait également en lui un homme violent, surtout après les échauffourées qui ont émaillé sa visite à Mantes-la-Jolie en 1997.

L'antifascisme français historique, héritier des groupes armés communistes et socialistes de l’entre-deux guerres, se trouva rapidement devant une impasse après la chute du nazisme et du fascisme en Europe et la dissolution des Ligues d’extrême droite en France. À court d’ennemis, si ce n’est l’État français durant la Guerre d’Algérie, la mouvance antifasciste, frange la plus violente et armée de l’extrême gauche, se trouva une bête noire pour canaliser son combat en la personne de Jean-Marie Le Pen. Ainsi, de la dissolution de la Ligue communiste à l’arrivée de Marine Le Pen aux responsabilités, l’anti-lepenisme restera le principal champ de bataille de l’extrême-gauche antifasciste, en témoignent les noms de ses deux groupes les plus connus durant les années 1980 et 1990 : Ras L’Front (d’obédience trotskiste) et la Section Carrément Anti Lepen, le SCALP, issu de la mouvance autonome et d’une fraction de la CNT, qui occupaient le terrain de la lutte active bien avant l’apparition des premiers groupes antifas au cours des années 2000.

Dans ses mémoires, Jean-Marie Le Pen traite durant de longues pages les violences d’extrême gauche qui ont accompagné sa carrière politique et cela dès la fin des années 1950 durant le poujadisme : « Non contente de nous mettre en quarantaine à l’assemblée, la gauche organisait contre nous, à l’initiative du Parti communiste, des manifestations violentes. […] C’était surtout des voies de faits, des rixes, presque des émeutes. Lors de l’une d’elles, à Toulouse, je fus sérieusement blessé et manquai finir au canal. » (Fils de la Nation, p.217)

Dans les années 1990, un des slogans utilisé par l’extrême gauche contre le FN était « Le Pen, une balle, le FN, une rafale ». En somme, depuis toujours, le Front national a été la cible de l’extrême gauche violente.

Dans le second tome de ses mémoires, Jean-Marie Le Pen compile un certain nombre de violences qui ont frappé les militants du FN, souvent dans le silence des médias. À partir de la page 244, dans une liste non-exhaustive, Le Pen cite des coups de feu, des lynchages, des destructions à l’explosif, des saccages de locaux, des assesseurs frappés. Par exemple, le 4 juin 1984, alors que Jean-Marie Le Pen doit tenir une réunion à Toulouse dans le cadre de la campagne des élections européennes, la salle Jean Mermoz est détruite par deux explosions tandis que des tags antifascistes ornent les murs des locaux soufflés. L’attentat n’est pas revendiqué mais le SCALP a manifesté le jour même avec d’autres militants d’extrême gauche, n’hésitant pas à jeter des boulons sur les forces de l’ordre.

La salle de réunion du FN soufflée par deux explosions en 1984.

Autre exemple, un attentat a directement visé Jean-Marie Le Pen en novembre 1976. La villa Poirier, dans laquelle résidait le président du Front national ainsi que toute sa famille, fut la cible d’une bombe de vingt kilos d’explosifs. Une partie de l’immeuble où vivait la famille Le Pen fut détruite, tandis que douze autres immeubles du quartier furent endommagés. Par chance, l’attentat, qui a ensuite été revendiqué par un comité antifasciste, n’a fait aucune victime en dehors de six blessés légers, dont quatre enfants (qui n’étaient pas des Le Pen). Aucun suspect n’a jamais été retrouvé.

Enfin, les années 1991-1998 virent une série d’attentats dans le sud de la France, principalement à Marseille et Vitrolles, visant les locaux et salles de meeting du FN. Ces exactions furent revendiquées par un groupe terroriste autoproclamé « Franc-Tireur Partisans », en référence aux résistants communistes. L’arrestation des auteurs, Yves Peirrat et William Ferrari et leur condamnation à plusieurs années de prison en 1999, entraîna une vague de solidarité à gauche, jusqu’au PCF et à la CGT ! Mais ce procès fut également l’événement fondateur du collectif Solidarité Résistance Antifasciste, affilié à la CNT, qui constitue la première organisation à progressivement introduire le concept d’antifa (venu d’Allemagne) en France. Par ailleurs, Réflexes, l’ancêtre de La Horde, prend racine dans le Réseau Ras L’Front et permet de comprendre l’importance du combat contre la personne de Jean-Marie Le Pen comme raison d’être de la gauche antifasciste.

Ainsi, alors que l’extrême gauche a toujours harcelé Jean-Marie Le Pen et violenté les membres du Front national, les célébrations de la mort du président du parti patriote s’inscrivent dans la continuité des agissements de l’extrême gauche depuis des décennies à l’encontre de M. Le Pen, un phénomène qui n’a rien d’accidentel mais est au contraire, profondément structurel. Ces célébrations constituent donc l’apothéose d’un affrontement qui dure depuis plus de cinquante ans et, en dehors de sa violence symbolique, n’en constitue ni l’événement le plus important ni l’action la plus violente.


DES CÉLÉBRATIONS PUBLIQUES ENTRE JOIE ET VIOLENCE

Dès l’annonce de la mort de Jean-Marie Le Pen, des appels à célébrer la « bonne nouvelle » étaient relayés par les canaux d’extrême gauche antifas sur les réseaux sociaux. Ce fut le cas à Caen, Rennes, Nantes, Paris, Lille, Montpellier, Rouen ou encore à Lyon.

Un appel à célébrer la mort de Jean-Marie Le Pen à Caen.


Si certains militants d’extrême gauche se sont contentés de boire une coupe de champagne et de laisser éclater leur joie sur la place publique, certains sont allés plus loin. À Rennes, la place Sainte-Anne a laissé place à une scène de liesse similaire à une victoire de l’Équipe de France en Coupe du Monde. Ainsi, de nombreuses personnes ont dansé, tandis que des feux d’artifice ont été tirés sur l’église Sainte-Anne. Des tags ont été inscrits sur les toilettes qui jouxtent l’église, à l’image de « Le Pen ✅ Au suivants » (sic.).

Les traces de la célébration des antifas rennais, non-évoquées par la presse.


Des feux de poubelles ont été constatés, endommageant ainsi encore un peu plus les dalles de la place qui avaient déjà dû être changées partiellement en 2023 à la suite de différentes émeutes des antifas. La police est finalement intervenue pour mettre fin à la sauterie illégale des deux-cent-cinquante militants d’extrême gauche, qui durait tout de même sans encombre depuis plus d’une heure ! Les forces de l’ordre ont usé de gaz lacrymogène afin de vider la place, permettant ainsi aux pompiers d’éteindre les feux.

À Lyon, sur la place des Terreaux, la scène était très similaire à celle de Rennes. La mairie et des façades d’immeubles ont été taguées et des slogans appelant à la mort de Jordan Bardella ou de Éric Zemmour ont été scandés. Le cortège est ensuite parti en manifestation sauvage, tout en tirant au mortier. Vers 21h, au niveau du cours Lafayette, des poubelles ont été brûlées et des projectiles jetés sur la police, qui a riposté en dispersant la foule et en procédant à sept interpellations.

À Paris, la place de la République a été, comme toujours, investie par l’extrême gauche et taguée en conséquence, un événement largement couvert par divers médias. En guise de décor à cette fête morbide, les militants d’extrême gauche ont notamment inscrit « Marine, Marion, lapidation » ; « un de plus » ; « il est mort, ce fils de pute » ; « mort aux fachos »...

Pour accompagner ces tags, des slogans sans équivoque ont été repris par tous les participants, à l’image de « Il est mort ! » ; « Il est où ? En enfer ! » ; « Bonne année, bonne santé, Jean-Marie est décédé » ou encore « Marine Le Pen la prochaine ».

Pour couronner le tout, entre les tags et les slogans, une banderole « Au suivant » où la tête de Jean-Marie Le Pen, transpercée par une pique, accompagne celles de Marine Le Pen et de Jordan Bardella. Cette banderole a été fièrement brandie au cœur de la place.

Pour l'extrême gauche, la seule mort de Jean-Marie Le Pen ne suffit pas.

Enfin, au-delà des fêtes improvisées et des feux de poubelles, certains militants d’extrême gauche ont opté pour la dégradation de la permanence d’un député du Rassemblement national. Ainsi, dans le Pas-de-Calais, la permanence du député RN Antoine Golliot a été recouverte de tags, tels « JMLP mort », « tuons le RN » ou encore « nique le FN ».

La permanence d'Antoine Golliot dégradée.

Cependant, à l’échelle du territoire national, ces fêtes n’ont rassemblé tout au plus que quelques milliers de militants d’extrême gauche, antifas, urbains, bobo ou marginaux qui, un mardi matin, disposaient d’un emploi du temps assez flexible pour prévoir finalement de fêter la mort de M. Le Pen le soir même dès 18h, ce qui témoigne de l’incapacité de l’anti-lepénisme à mobiliser au-delà des cercles les plus militants.

LA GAUCHE INSTITUTIONNELLE SOLIDAIRE DES CÉLÉBRATIONS

Comme bien souvent, l’extrême gauche institutionnelle n’a pas condamné les excès des manifestants, ni les menaces de mort ni les dégradations. L’insoumise Mathilde Panot a ainsi déclaré qu’elle n’était pas « choquée », tandis que Manon Boltansky du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) a parlé d’ « une bonne nouvelle », ajoutant que l’ « on a le droit de rire de ces choses-là ». Philippe Poutou (NPA), quant à lui, a publié sur 𝕏 que « C’est dingue, les vœux ça marche ! L’année 2025 ne commence pas trop mal avec cette bonne nouvelle de la mort de Le Pen ».

L’ENTERREMENT DE JEAN-MARIE LE PEN PERTURBÉ

Pendant l’inhumation, deux militantes antifas ont perturbé les obsèques de Jean-Marie Le Pen. Équipées d’une enceinte, elles ont diffusé du son avant d’être rapidement refoulées par les forces de l’ordre.

Le jeudi 16 janvier, alors qu’un hommage public était rendu à Jean-Marie Le Pen à l’église du Val-de-Grâce à Paris, des militants d’extrême gauche logés en haut d’un immeuble ont tenté de perturber la fin de la cérémonie en scandant des slogans hostiles au FN.

Enfin, même si la tombe de M. Le Pen n’a pas été dégradée à l’heure où ces lignes sont écrites, de nombreux militants d’extrême gauche ne cachent pas leurs intentions et daignent les partager sur les réseaux sociaux.

Selon le dictionnaire Larousse, la haine se définit comme suit : « Sentiment qui porte une personne à souhaiter ou à faire du mal à une autre, ou à se réjouir de tout ce qui lui arrive de fâcheux : Vouer à quelqu'un une haine implacable. » Les actions et paroles de l’extrême gauche à la suite de la mort de Jean-Marie Le Pen correspondent parfaitement à cette définition. Ainsi, ces rassemblements haineux ont choqué 68 % des Français selon un sondage CSA.

Une question demeure : la tombe de Jean-Marie Le Pen sera-t-elle profanée, vandalisée ? Alors qu’aucune mesure de surveillance particulière n’a été envisagée et que seules les horaires d’ouverture du cimetière ont pour l’heure été modifiées, il convient de ne pas oublier que dans la nuit du 13 au 14 janvier 1990, la tombe de Jean-Pierre Stirbois, cadre du FN décédé dans un accident en novembre 1988, a été profanée alors qu’elle se trouve au cimetière du Montparnasse à Paris.

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